« Les choses jouent le rôle des hommes,
les hommes jouent le rôle des choses,
c’est la racine du mal. »
Simone Weil
in Expérience de la vie d’usine, 1937
Pas un instant, pas un jour, pas une semaine sans que l’on entende parler du nouveau messie de notre temps. L’intelligence artificielle par-ci, l’IA par-là, une véritable poussée de fièvre civilisationnelle... Bien évidemment, cette merveille technologique se veut porteuse des plus belles espérances et des plus grands défis positifs pour le genre humain.
Tout le verbiage managérial y passe : opportunité, champs des possibles, innovation sans précédent, accélération de compétitivité... On nous fait miroiter l’impossible, l’amélioration des services, évidemment des apports pour la santé, des avancées pour la compréhension de l’univers et tant d’autres promesses irrésistibles.
Par contre, peu de références au verrouillage des sociétés, aux capacités de contrôle et/ou de répression d’un tel outillage, peu de références a fortiori à la consommation phénoménale d’énergie que cela implique et à ses multiples conséquences.
Les milliards qui font tant défaut à la main gauche de l’État sont subitement disponibles pour ce chantier messianique.
Tout cet engouement pour une puissance de calcul…
Tout ça pour redécouvrir le monde à l’aune d’une machinerie hasardeuse et plus alambiquée encore que toutes les usines à gaz déjà conçues par notre espèce.
En attendant l’arrivée d’une nouvelle forme de conscience, dès 2015, aux États-Unis, une église a été fondée par un ancien ingénieur de chez Google (Way of the future, la voie de l’avenir, c’est son nom1) pour célébrer l’avènement de l’IA comme l’aboutissement suprême de l’histoire de l’humanité, appelant de ses vœux le règne d’une entité capable de transcender l’Homo sapiens et le cas échéant de le punir.
Une fois de plus le domaine de l’art et celui de la musique en particulier n’est pas étanche à cette nouvelle marotte.
Pourquoi la création devrait-elle souffrir les possibilités limitées de l’esprit humain quand elle peut, à loisir, profiter du génie froid et incommensurable des calculateurs ?
Nous ne serons plus jamais seuls, plus jamais en mal d’inspiration, plus jamais à cours de nouvelles voies de création, peut-être même que cela nous permettra de réécrire l’histoire de l’art en en améliorant les faiblesses en en comblant les manques …
Ne riez pas, car avant le chant du coq, vous aurez peut-être rejoint la cohorte des adorateurs de cette idole subitement si séduisante.
Bye bye imperfections,
bye bye autonomie,
bye bye libre arbitre…
1Way of the future a été finalement dissoute par son créateur en 2021.
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